Depuis
plusieurs mois, au Québec, on ne fait que parler de la fameuse
Charte des valeurs québécoises (ou de la laïcité) que le Parti
Québécois (PQ) veut imposer à la province. Tandis que les
mouvements nationalistes jubilent, leurs ailes les plus xénophobes,
elles, profitent du momentum avec les conséquences que l'on connaît
aujourd'hui : déferlement de propos et d'actions racistes dans
l'espace publique, particulièrement envers les femmes voilées,
montée du PQ dans les sondages électoraux et camouflage des
nombreuses mesures rétrogrades que le gouvernement a appliquées
dans les derniers mois. En résulte également une montée de la
droite politique qui se drape aujourd'hui du voile de la laïcité
qui, pourtant, est et a toujours été un idéal porté par les
progressistes. Il existe pourtant une voie pour s'opposer à la fois
à la fausse laïcité du PQ ainsi qu'à l'establishment religieux,
une voie libertaire.
Une
laïcité qui n'en est pas une !
D'emblée,
il est nécessaire de souligner la mauvaise foi du PQ lorsque les
sbires de ce parti affirment défendre la laïcité. Rien n'est plus
faux. Beaucoup de gens ont soulignés que cette charte ne prévoyait
même pas le retrait du fameux crucifix de l'Assemblée nationale,
qui, il est important de le souligner, est l'héritage d'une des pire
période de l'histoire québécoise. En effet, le crucifix n'a été
introduit qu'en 1936 à l'Assemblée nationale, par le gouvernement
ultra-conservateur de Maurice Duplessis.
Alors
quand Pauline Marois dit que sa conservation vise à souligner
l'histoire et le patrimoine du Québec, on est en droit de se poser
quelques questions !
Plus
encore, comment peut-on prétendre vouloir « réaffirmer » nos
valeurs laïques et la fierté d'avoir un État séculier en
s'attaquant, en premier lieu, aux croyantes et aux croyants qui
travaillent dans le secteur public? Si le gouvernement veut enlever
toute trace de « partialité religieuse » à l'État, ce n'est pas
au bas de la pyramide religieuse qu'il doit s'attaquer, mais bien à
l'establishment et aux institutions. À la place d'empêcher une
infirmière voilée ou un fonctionnaire portant la kippa de
travailler, il y a de nombreuses mesures qui pourraient être prises
pour améliorer le caractère laïc de l'État.
Par
exemple, comment se fait-il que le gouvernement québécois continue
de financer les écoles privées confessionnelles où l'on endoctrine
les enfants dans une religion? Le PQ nous répondra qu'il faut être
responsables, qu'il est beaucoup plus économique de financer les
écoles privées que d'envoyer tous les enfants dans le système
public d'éducation. Pourtant, sous prétexte du port de signes
religieux ostentatoires, ce gouvernement est bien prêt à renvoyer
un grand nombre d'employé-e-s du secteur de la santé, secteur qui,
inutile de le préciser, est en pénurie de main-d’œuvre au niveau
de plusieurs professions. Comment se fait-il qu'encore aujourd'hui,
le « chancelier » de l'Université de Sherbrooke soit l'archevêque
catholique romain de Sherbrooke?
On
pourrait également citer le fait que les institutions religieuses ne
paient ni impôt, ni taxes scolaires, ou bien que le gouvernement
québécois préfère subventionner des groupes religieux pour la
sous-traitance de nombreux services aux plus démuni-e-s (soupes
populaires, refuges pour sans-abris etc.) plutôt que de les prendre
en charge.
Est-ce
que cette charte aborde ces questions? Pas du tout! Mais alors, à
quoi sert cette charte?
Une
mesure populiste et électoraliste
En
fait, il est bien normal que cette charte ne s'attaque pas aux
problèmes de fond qui font en sorte qu'il est impossible d'affirmer
que le Québec est une province laïque. Cette mesure n'est rien
d'autre qu'un écran de fumée visant à remuer le vieux fond
conservateur et xénophobe du Québec et c'est exactement ce que le
PQ veut. Pendant que les chroniqueurs réactionnaires du Journal de
Montréal (Martineau, Bock-Côté et autres Dominic Maurais) en
profitent pour cracher leur venin sur « l'autre » (lire ici les
immigrant-e-s), le gouvernement fait oublier les nombreuses mesures
régressives qu'il a appliquées depuis le début de son mandat. Nous
entendons ici les coupes à l'aide sociale, la dégradation des
conditions de travail (notamment dans les cégeps), la hausse des
tarifs d'électricité, le maintien de la taxe santé, etc. Et le
pire, c'est que ça fonctionne! Le meilleur voile pour cacher les
mesures régressives reste le retour à la xénophobie et une bonne
dose de démagogie !
En
effet, on a pu voir dans les derniers mois une hausse des intentions
de vote pour le PQ, alors que le parti le plus conservateur de la
province, la Coalition Avenir Québec (CAQ), est pratiquement rayé
du paysage politique. C'est ainsi que le PQ a pu mettre de l'avant
l'une de ces valeurs bien propre à la classe politique :
l'opportunisme. Le gouvernement, pour se faire réélire aux
prochaines élections, est prêt à utiliser la xénophobie et le
racisme ainsi qu'à laisser se déchaîner les passions au sein de la
population. C'est la bonne vieille technique de diviser pour mieux
régner et il serait bien étonnant que les stratèges du parti
n'aient pas prévu les conséquences de ce projet de loi.
Car
il ne faut pas s'y méprendre, c'est bel et bien les québécois-e-s
issu-e-s de l'immigration que cette charte vise, particulièrement
celles et ceux de confessions juive, musulmane et sikhe. Ce sont
principalement eux et elles qui portent des signes religieux
ostentatoires et c'est également sur eux et elles qu'il est plus
facile de laisser se déchaîner les passions racistes, car leurs
différences sont bien visibles. Il est en effet beaucoup plus simple
pour un chrétien de camoufler sa croix sous son chandail que de
cacher son turban pour un sikh. Il devient donc facile de comprendre
vers qui s'ouvriront les portes de l'emploi et pour qui elles se
refermeront, tout est une question de convictions religieuses.
Pendant ce temps, le maire Jean Tremblay continue à faire sa prière,
catholique évidemment, au Conseil de ville de Saguenay sans être
inquiété par les sbires du PQ.
Une
charte pour les femmes, vraiment ?
Les
chroniqueurs populistes, qui sont, soit dit en passant, assez loin
d'être féministes, nous dirons que cette mesure permettra de
libérer les femmes musulmanes du joug de leur mari autoritaire. Les
Janettes, menées par Julie Snyder, nous diront que cette charte en
est une féministe. D'or et déjà il faut se questionner sur ses
propres convictions. Elle, qui emploie des femmes strictement pour
leur apparence physique à son émission Le Banquier, ne semble pas
avoir la même vision des effets du patriarcat sur les femmes. Tout
comme elle dit que le port du voile est imposé par les maris, la
mode et le style de vêtement « occidentaux » sont définis par les
hommes de la société qui imposent des critères de beauté. Nous
sommes toutes et tous esclaves des systèmes capitaliste, patriarcal,
raciste, etc. Alors pourquoi nos systèmes d'esclavage seraient
meilleurs que les leurs? Nous croyons qu'au contraire nous devons
nous libérer des chaînes du patriarcat, du capitalisme, du
colonialisme et cela passe notamment par le refus de se soumettre à
quelque religion qui soit.
Et
que dire de la manière de faire? Depuis ses débuts, le mouvement
féministe au Québec (et ailleurs) s'est battu pour l'égalité
entre toutes et tous mais aussi et surtout contre les rapports de
domination. Or, en imposant aux femmes d'enlever leur voile pour
travailler, les Janettes nient l'égalité entre toutes les femmes,
tout en agissant de manières dominatrice, raciste et colonialiste.
Les féministes d'État volent hypocritement au secours des femmes
voilées en reproduisant tout les actions qu'elles dénonçaient il y
a de cela quelques décennies seulement!
Ces
féministes libérales prônent l'égalité entre les sexes et le
droit des femmes à accéder à des emplois, à l'éducation au même
titre que les hommes. Mais comment vont-elles faire pour s'émanciper
économiquement si elles perdent leur emploi dans la fonction
publique pour refus d'enlever le voile? Peut-être que les Janettes
croient qu'il y a quelque chose de progressiste dans le choix entre
perdre ses acquis sociaux en allant travailler au privé ou tout
simplement quitter le marché de l'emploi. Sans compter la
ségrégation économique sur le marché du travail... Bref, ces
Janettes-sauveuses-des-femmes-voilées-au-Québec et leurs intentions
ne sont que d'autres mesures qui entraîneraient une regression des
droits et liberté des femmes ayant une confession religieuse autre
que la leur, soit catholique.
NI DIEUX, NI CHARTE !
Plusieurs
raisons peuvent être donnée pour s'opposer aux différentes
religions. Elles sont et ont toujours été un outil de domination
des hommes sur les femmes. Elles font croire aux gens qu'il est
impossible d'améliorer nos conditions de vie, que c'est seulement
après une vie de souffrance sur la Terre que nous pourrons
réellement jouir et que pour l'instant, c'est notre destin de vivre
sous l'oppression capitaliste. Elles ne sont basées sur aucune
preuve tangible, mais demande qu'on croit aveuglément en leurs
prédications. Elles ont leur propre hiérarchie où les croyant-e-s
sont toujours au bas de l'échelle, mais où ce sont eux et elles qui
doivent donner une partie de leur salaire et force de travail pour
que la religion étende ses tentacules partout sur la planète.
Si
on désire réellement s'opposer aux religions, à toutes les
religions, ce n'est pas en stigmatisant les croyant-e-s que nous
parviendrons à faire avancer notre cause, mais bien en s'attaquant
de front à l'establishment religieux et à ses institutions tout en
investissant massivement dans une éducation publique, laïque,
gratuite, de qualité et qui vise à ce que les citoyen-ne-s se
dotent d'un sens critique aiguisé. C'est seulement ainsi que nous
couperons l'herbe sous le pied des prédicateurs et de ceux (et très
rarement celles) qui bénéficient vraiment des institutions
religieuses car une population éduquée et critique ne se laissera
pas endoctriner si facilement, ni par la religion, ni par les mesures
gouvernementales qui servent d'écran de fumée. Toutefois, à voir
la démagogie dont fait usage le PQ pour nous vendre son projet de
charte, il est bien difficile de croire que c'est ce que le
gouvernement poursuit comme objectif...
Nous
déplorons les actes de vandalisme racistes commis partout à travers
la province!
Nous
refusons cette charte sexiste, raciste, colonialiste et classiste!
Nous
refusons ce gouvernement démagogue et populiste!
NI DIEUX, NI MAÎTRES, NI ÉTATS, NI PATRONS !
|
http://thesocietypages.org/socimages/2012/02/22/questioning-definitions-of-freedom/
|